18

La porte était entrouverte ; ils entrèrent.

— John !

De la salle de bains arriva un bruit désagréable et caractéristique.

— Qu’est-ce donc qui ne va pas ? cria Helmholtz.

Il n’y eut pas de réponse. Le bruit désagréable fut répété deux fois ; il y eut un silence. Puis, avec un cliquetis métallique, la porte de la salle de bains s’ouvrit, et, tout pâle, le Sauvage apparut.

— Dites donc, s’écria Helmholtz avec sollicitude, vous avez réellement l’air malade, John !

— Avez-vous mangé quelque chose qui n’a pas passé ? demanda Bernard.

Le Sauvage fit un signe de tête affirmatif.

— J’ai mangé la civilisation.

— Hein ?

— Elle m’a empoisonné ; j’étais souillé. Et ensuite, ajouta-t-il, d’une voix plus basse, j’ai mangé mon propre péché.

— Oui, mais quoi donc, au juste ?… Je veux dire : à l’instant, vous…

— Maintenant, je suis purifié, dit le Sauvage. J’ai bu de la moutarde avec de l’eau tiède.

Les autres le dévisagèrent avec étonnement.

— Vous voulez dire que vous le faisiez exprès ? demanda Bernard.

— C’est comme cela que les Indiens se purifient toujours. Il s’assit, et, soupirant, se passa la main sur le front. Je vais me reposer quelques instants, dit-il. Je suis un peu fatigué.

— Eh bien, ça ne m’étonne pas, dit Helmholtz. Après un silence : Nous venons vous dire au revoir, reprit-il sur un autre ton. Nous partons demain matin.

— Oui, nous partons demain matin, dit Bernard, sur le visage de qui le Sauvage remarqua une expression nouvelle de détermination résignée. – Et, à propos, John, continua-t-il, se penchant en avant sur sa chaise et posant une main sur le genou du Sauvage, je voudrais vous dire combien je regrette tout ce qui s’est passé hier. – Il rougit. – Combien j’ai honte, reprit-il, malgré sa voix incertaine, combien, en vérité…

Le Sauvage l’interrompit tout net, et, lui prenant la main, la pressa affectueusement.

— Helmholtz a été extraordinairement gentil pour moi, reprit Bernard, après une petite pause. Sans lui j’aurais…

— Allons, allons, protesta Helmholtz.

Il y eut un silence. Malgré leur tristesse, à cause de leur tristesse, même, car leur tristesse était le symptôme de l’affection qu’ils ressentaient les uns pour les autres, les trois jeunes gens étaient heureux.

— Je suis allé voir l’Administrateur ce matin, dit enfin le Sauvage.

— Pourquoi ?

— Pour demander si je ne pourrais pas aller aux îles avec vous.

— Et qu’a-t-il dit ? demanda avidement Helmholtz.

Le Sauvage hocha la tête.

— Il n’a pas voulu me le permettre.

— Pourquoi pas ?

— Il a dit qu’il voulait poursuivre l’expérience. Mais je veux que le diable m’emporte, ajouta le Sauvage, avec une fureur soudaine, je veux que le diable m’emporte si je continue à servir de sujet d’expériences. Pas pour tous les Administrateurs du monde. Moi aussi, je m’en irai demain.

— Mais où ? demandèrent les autres en unisson.

Le Sauvage haussa les épaules.

— N’importe où. Ça m’est égal. Pourvu que je puisse être seul.

De Guildford, la voie aérienne descendante suivait la vallée de la Wey jusqu’à Godalming, puis, par Milford et Witley, se dirigeait sur Haslemere, et continuait, par Petersfield, vers Portsmouth. Suivant un tracé à peu près parallèle, la voie montante passait par Worplesden, Tongham, Puttenham, Elstead et Grayshott. Entre la crête de Hog’s Back et Hindhead, il y avait des endroits où les deux lignes n’étaient pas distantes de plus de six ou sept kilomètres. Cette distance était trop faible pour les aviateurs négligents, surtout la nuit et quand ils avaient absorbé un demi-gramme de trop. Il y avait eu des accidents. Des accidents sérieux. On avait décidé de dévier la voie montante de quelques kilomètres vers l’ouest. Entre Grayshott et Tongham, quatre phares aériens abandonnés jalonnaient le tracé de l’ancienne route de Portsmouth à Londres. Les cieux au-dessus d’eux étaient silencieux et déserts. C’est par Selborne, Borden et Farnham, que, ronflant et rugissant, passaient à présent sans discontinuer les hélicoptères.

Le Sauvage avait choisi pour ermitage le vieux phare qui se dressait sur la crête du coteau entre Puttenham et Elstead. Le bâtiment était en béton armé et en excellent état, presque trop confortable, avait pensé le Sauvage lorsqu’il avait pour la première fois exploré les lieux, presque trop luxueusement civilisé. Il apaisa sa conscience en se promettant en compensation une discipline personnelle plus rigoureuse, des purifications d’autant plus complètes et foncières. Sa première nuit dans l’ermitage fut, de propos délibéré, une nuit d’insomnie. Il la passa à genoux, adressant ses prières tantôt à ce Ciel auprès duquel le coupable Claudius avait mendié son pardon, tantôt, en zuñi, à Awonawilona, tantôt à Jésus et Poukong, tantôt à son propre animal gardien, l’aigle. De temps à autre il étendait les bras comme s’il était en croix, et les tint ainsi durant de longues minutes d’une douleur qui croissait jusqu’à devenir un paroxysme de torture frémissante ; il les tenait ainsi, en crucifixion volontaire, tandis qu’il répétait entre ses dents serrées (cependant que la sueur lui ruisselait le long du visage) : « Oh ! Pardonnez-moi ! Purifiez-moi ! Oh ! secourez-moi pour que je sois vertueux ! » à plusieurs reprises, jusqu’à ce qu’il fût sur le point de s’évanouir de douleur.

Quand arriva le matin, il éprouva la sensation d’avoir gagné le droit d’habiter le phare : oui, quoiqu’il y eût encore des vitres à la plupart des fenêtres, quoique la vue qu’on avait de la plate-forme fût si belle. Car la raison même pour laquelle il avait choisi le phare était devenue presque immédiatement une raison d’aller ailleurs. Il avait résolu de vivre là parce que la vue était si belle, parce que, de ce point dominant le paysage, il lui paraissait contempler au large l’incarnation d’une chose divine. Mais qui était-il donc, pour être comblé par le spectacle quotidien, voire horaire, de la beauté ? Qui était-il donc, pour vivre dans la présence visible de Dieu ? Tout ce qu’il méritait, en fait d’habitation, c’est quelque étable crasseuse, quelque trou sans lumière dans le sol. Encore tout courbaturé et endolori après sa longue nuit de souffrance, mais pour cette raison même rassuré intérieurement, il grimpa à la plate-forme de sa tour, il contempla le monde brillant à l’aube, qu’il avait de nouveau gagné le droit d’habiter. Au nord, la vue était limitée par la longue arête de craie de la crête de Hog’s Back, derrière l’extrémité orientale de laquelle s’élevaient les tours des sept gratte-ciel qui constituaient Guildford. Les apercevant, le Sauvage fit la grimace ; mais il devait se réconcilier avec elles par la suite ; car, la nuit, elles scintillaient gaiement en constellations géométriques, ou bien, éclairées par des projecteurs, elles dirigeaient leurs doigts lumineux (d’un geste que personne, en Angleterre, si ce n’est le Sauvage, ne comprenait à présent) avec solennité vers les mystères insondables des cieux.

Dans la vallée qui séparait la crête de Hog’s Back de la colline sablonneuse sur laquelle s’élevait le phare, Puttenham était un petit village modeste, haut de neuf étages, avec des silos, un établissement d’élevage de volaille, et une petite usine à vitamine D. De l’autre côté du phare, vers le sud, le terrain descendait en longues pentes couvertes de bruyère, jusqu’à une succession d’étangs.

Au-delà, au-dessus des bois intermédiaires, s’élevait la tour à quatorze étages d’Elstead. Vaguement perceptibles sur le fond brumeux de l’air d’Angleterre, Hindhead et Selborne sollicitaient les regards vers un lointain bleu et romanesque. Mais ce n’était pas le lointain seul qui avait attiré le Sauvage à son phare ; les abords étaient aussi séduisants que les lointains. Les bois, les étendues libres de bruyères et de genêts jaunes, les massifs de pins d’Écosse, les étangs luisants avec leurs bouleaux surplombants, leurs nénuphars, leurs lits de roseaux, tout cela était magnifique, et, pour un œil habitué aux aridités du désert américain, étonnant. Et puis, la solitude ! Des journées entières se passèrent, au cours desquelles il ne vit même pas un être humain. Le phare n’était qu’à un quart d’heure de vol de la Tour de Charing-T ; mais les montagnes de Malpais étaient à peine plus désertes que cette lande de Surrey. Les foules qui quittaient quotidiennement Londres ne le quittaient que pour jouer au Golf Électro-Magnétique ou au Tennis. Puttenham ne possédait pas de terrain de golf ; les surfaces de Riemann les plus rapprochées étaient à Guildford. Les fleurs et le paysage étaient, ici, les seules attractions. De sorte que, comme il n’y avait pas de bonne raison d’y venir, personne n’y venait. Pendant les premiers jours, le Sauvage vécut seul, sans être dérangé.

De l’argent que, lors de son arrivée, John avait reçu pour ses dépenses personnelles, la plus grande partie avait été dépensée pour son équipement. Avant de quitter Londres, il avait acheté quatre couvertures en laine à la viscose, de la corde et de la ficelle, des clous, de la colle, quelques outils, des allumettes (bien qu’il eût l’intention, par la suite, de fabriquer un rouet à feu), quelques pots et quelques casseroles, deux douzaines de paquets de graines, et dix kilogrammes de farine de froment. « Non, pas de pseudo-farine à l’amidon synthétique et aux déchets de coton, avait-il insisté. Quand bien même elle serait plus nourrissante. » Mais lorsqu’il se fut agi de biscuits pan-glandulaires et de pseudo-bœuf vitaminé, il n’avait pas pu résister aux phrases persuasives de boutiquier. Contemplant à présent les boîtes en fer-blanc, il se reprocha amèrement sa faiblesse. Odieux produits civilisés ! Il avait résolu de ne jamais les manger, même s’il mourait de faim. « Ça leur apprendra », songea-t-il vindicativement. Cela lui apprendrait aussi, à lui.

Il compta son argent. Le peu qui lui restait suffirait, espérait-il, à lui permettre de passer l’hiver. Dès le printemps prochain, son jardin produirait de quoi le rendre indépendant du monde extérieur. En attendant, il y aurait toujours du gibier. Il avait vu des lapins en quantité, et il y avait des oiseaux aquatiques sur les étangs. Il se mit à l’œuvre immédiatement pour faire un arc et des flèches.

Il y avait des frênes près du phare, et, pour le bois des flèches, tout un petit taillis de jeunes noisetiers merveilleusement droits. Il commença par abattre un jeune frêne, découpa deux mètres de tronc sans branches, l’écorça et, couche par couche, enleva tout le bois blanc, comme le lui avait appris le vieux Mitsima, jusqu’à ce qu’il eût une douve aussi haute que lui, rigide en son centre plus épais, nerveuse et vive aux extrémités amincies. Le travail lui procura un plaisir intense. Après toutes ces semaines d’oisiveté à Londres, au cours desquelles il n’avait eu rien à faire, chaque fois qu’il désirait quelque chose, qu’à appuyer sur un commutateur ou à tourner une manivelle, ce lui fut un pur délice d’être occupé à faire quelque chose qui exigeait de l’adresse et de la patience.

Il avait presque fini de tailler la verge suivant la forme voulue, lorsqu’il se rendit compte avec un sursaut qu’il chantait – qu’il chantait ! Ce fut comme si, tombant par hasard de l’extérieur sur lui-même, il s’était soudain trahi, il s’était pris en faute flagrante. Il rougit comme un coupable. Après tout, ce n’est pas pour chanter et s’amuser qu’il était venu là. C’était pour échapper à la contamination envahissante par l’ordure de la vie civilisée ; c’était pour être purifié et rendu vertueux ; c’était pour se racheter par l’activité. Il se rendit compte, à sa consternation, qu’absorbé par la taille de son arc, il avait oublié ce dont il s’était juré de se souvenir constamment, la pauvre Linda, et sa propre dureté assassine envers elle, et ces odieux jumeaux, grouillant comme des poux sur le mystère de sa mort, insultant, par leur présence, non seulement à son chagrin et à son repentir personnels, mais jusqu’aux dieux eux-mêmes. Il avait juré de se souvenir, il avait juré de se consacrer à réparer tout cela. Et voilà qu’il était assis, heureux, travaillant à la verge de son arc ; chantant, chantant en vérité…

Il rentra, ouvrit la boîte de moutarde, et mit de l’eau à bouillir sur le feu.

Une demi-heure plus tard, trois travailleurs agricoles Deltas-Moins de l’un des Groupes Bokanovsky de Puttenham se trouvèrent conduire un camion à Elstead, et, au sommet du coteau, furent surpris de voir un jeune homme debout devant le phare abandonné, nu jusqu’à la ceinture, et se flagellant avec un fouet de cordes nouées. Il avait le dos zébré horizontalement de carmin, et de chacune des marques à la suivante coulaient de minces filets de sang. Le conducteur du camion stoppa sur le côté de la route, et, avec ses deux compagnons, contempla, les yeux écarquillés, bouche bée, ce spectacle extraordinaire Un, deux, trois, ils comptèrent les coups. Après le huitième, le jeune homme interrompit le châtiment qu’il s’infligeait, pour courir à la lisière du bois et y vomir violemment. Quand il eut fini, il ramassa le fouet et se remit à se frapper. Neuf, dix, onze, douze…

— Ford ! murmura le conducteur. Et ses jumeaux étaient du même avis.

 Fordey ! dirent-ils.

Trois jours plus tard, comme des balbuzards s’abattant sur une charogne, les reporters arrivèrent.

Séché et durci sur un feu doux de bois vert, l’arc était prêt. Le Sauvage était occupé à confectionner ses flèches. Trente baguettes de noisetier avaient été taillées et séchées, munies à la pointe d’un clou acéré et, au talon, d’une encoche soigneusement coupée. Il avait fait une descente, une nuit, sur l’établissement d’élevage de volaille de Puttenham, et avait, à présent, des plumes en quantité suffisante pour équiper toute une armurerie. C’est en plein travail, occupé à garnir de plumes le bois de ses flèches, que le trouva le premier des reporters. Sans bruit, grâce à ses souliers pneumatiques, l’homme le rejoignit par derrière.

— Bonjour, monsieur le Sauvage, dit-il. Je suis le représentant du Radio Horaire.

Sursautant comme sous la morsure d’un serpent, le Sauvage fut debout d’un bond, éparpillant flèches, plumes, pot à colle et pinceau dans toutes les directions.

— Je vous demande pardon, dit le reporter, avec un regret sincère. Je n’avais nullement l’intention… Il porta le doigt à son chapeau, le tuyau de poêle en aluminium dans lequel il portait son récepteur et son transmetteur de T.S.F. – Excusez-moi de ne pas l’ôter, dit-il. Il est un peu lourd… Alors, comme je le disais, je suis le représentant du Radio…

— Qu’est-ce que vous voulez ? demanda le Sauvage, le regardant de travers.

Le reporter lui fit, en retour, son sourire le plus engageant.

— Eh bien, mais, naturellement, nos lecteurs s’intéresseraient vivement à… – Il mit la tête de côté, son sourire devint presque un artifice de coquetterie. – Simplement quelques paroles de vous, monsieur le Sauvage. – Et, rapidement, d’une série de gestes rituels, il déroula deux fils métalliques reliés à la batterie portative qu’il portait bouclée à la ceinture ; il les ficha simultanément dans les parois de son chapeau d’aluminium ; toucha un ressort sur le fond, – et des antennes se dressèrent en l’air ; toucha un autre ressort à la lisière du bord – et, comme un diable d’une boîte à surprise, il en sortit d’un bond un microphone qui resta là suspendu, tremblotant, à quinze centimètres devant son nez ; il rabattit deux récepteurs par-dessus ses oreilles ; pressa un commutateur sur le côté gauche du chapeau – et de l’intérieur arriva un léger bourdonnement de guêpe ; il tourna un bouton à droite, et le bourdonnement fut interrompu par un sifflotement et un toussotement stéthoscopiques, par des hoquets et des piaillements soudains. – Allô, dit-il au microphone. C’est vous, Edzel ? Ici, Primo Mellon. Oui, je l’ai déniché. M. le Sauvage va maintenant prendre le microphone et dire quelques mots. N’est-ce pas, monsieur le Sauvage ? – Il leva les yeux sur le Sauvage avec un autre de ces sourires engageants qu’il savait si bien pratiquer. – Veuillez simplement dire à nos lecteurs pourquoi vous êtes venu ici. Ce qui vous a fait quitter Londres (ne coupez pas, Edzel !) si brusquement. Et, bien entendu, parlez leur de votre fouet. (Le Sauvage sursauta. Comment savaient-ils ce qui avait trait au fouet ?) Nous brûlons tous d’envie de savoir quelque chose au sujet du fouet. Et puis quelque chose sur la Civilisation. Vous savez bien le genre que je veux dire : « Ce que je pense de la Femme Civilisée. » Quelques mots seulement, très peu…

Le Sauvage obéit d’une façon si littérale qu’elle en fut déconcertante. Il prononça cinq paroles, pas davantage, cinq mots les mêmes que ceux qu’il avait dits à Bernard au sujet de l’Archi-Chantre de Canterbury. « Hàni ! Sons éso tse-nà ! » Et, saisissant le reporter par l’épaule, il le fit pivoter (le jeune homme se révéla capitonné à souhait), visa, et, de toute la force et la précision d’un de ces maudits footballeurs de championnat, décocha un coup de pied véritablement prodigieux.

Huit minutes plus tard, une nouvelle édition du Radio Horaire était en vente dans les rues de Londres. « Un reporter du Radio Horaire reçoit du Sauvage Mystérieux un coup de pied au coccyx », disait la manchette de la première page. « Situation sensationnelle dans le Surrey. »

« Situation sensationnelle même à Londres », songea le reporter, lorsque, à son retour, il lut ces mots-là. Sensationnelle et fort douloureuse, qui plus est. Il s’assit avec précaution pour déjeuner.

Sans être arrêtés par cette contusion donnée en guise d’avertissement au coccyx de leur collègue, quatre autres reporters, représentant le Times de New York, le Continuum à Quatre Dimensions de Francfort, le Moniteur de la Science Fordienne, et le Miroir des Deltas, se rendirent cet après-midi-là au phare et furent reçus avec une violence régulièrement croissante.

D’une distance suffisante pour qu’il fût en sécurité, et se frottant encore les fesses :

— Imbécile ignare ! cria l’homme du Moniteur de la Science Fordienne, pourquoi ne prenez-vous pas de soma ?

— Fichez-moi le camp ! – Le Sauvage lui montra le poing.

L’autre battit en retraite de quelques pas, puis se retourna.

— Le mal est une chose irréelle si l’on en prend deux grammes.

— Kohakva iyathokyai ! – Le ton de sa voix était celui de la moquerie menaçante.

— La douleur est une illusion.

— Ah ! vraiment ? dit le Sauvage ; et, ramassant une épaisse baguette de noisetier, il s’avança sur lui.

L’homme du Moniteur de la Science Fordienne se précipita d’un bond vers son hélicoptère.

Après cela, on laissa quelque temps en paix le Sauvage. Quelques hélicoptères vinrent planer avec curiosité aux abords de la tour. Il décocha une flèche sur celui qui s’approcha avec le plus d’importunité. Elle troua le plancher en aluminium de la cabine ; il y eut un hurlement perçant, et l’appareil fit dans l’air un bond de toute l’accélération que put lui donner son super-chargeur. Les autres, dès lors, se tinrent respectueusement à bonne distance. Traitant par le mépris leur bourdonnement fastidieux (il se compara, en imagination, à l’un des soupirants de la Fille de Matsaki, impassible et persistant parmi la vermine ailée), le Sauvage bêchait ce qui devait devenir son jardin. Au bout d’un certain temps, la vermine se lassait manifestement et s’envolait ; pendant des heures de suite, le ciel au-dessus de sa tête était vide, et silencieux, n’eussent été les alouettes.

Il faisait chaud, le temps était lourd ; l’air était chargé de tonnerre. Il avait bêché toute la matinée, et se reposait, étendu par terre. Et tout à coup la pensée de Lenina fut une présence réelle, nue et tangible, disant : « Mon chéri ! » et : « Entoure-moi de tes bras ! » – vêtue seulement de ses chaussettes et de ses souliers, et parfumée. Courtisane impudente ! Mais – oh ! oh ! ses bras autour du cou de John, le soulèvement de ses seins, sa bouche !

« L’éternité était dans nos lèvres et nos yeux, Lenina…» Non, non, non, non ! Il fut debout d’un bond, et tel qu’il était, à demi nu, il sortit de la maison en courant. Au bord de la lande s’élevait une touffe de genévriers chenus. Il s’y jeta et serra, non pas le corps poli de ses désirs, mais une brassée d’épines vertes. Acérées, de leurs mille pointes elles le piquèrent. Il essaya de penser à la pauvre Linda, haletante et muette, avec ses mains qui faisaient le geste d’agripper, et les yeux pleins de cette terreur inexprimable, à la pauvre Linda, dont il avait juré de se souvenir. Mais ce fut toujours la présence de Lenina qui l’obséda. Même sous les coups et les piqûres des aiguilles de genévrier, sa chair frémissante avait conscience d’elle, de sa présence réelle à laquelle il ne pouvait s’échapper : « Mon chéri, mon chéri… Et si tu me voulais aussi, pourquoi ne…»

Le fouet pendait à un clou à côté de la porte, à portée de la main pour le cas où arrivaient des reporters. Dans un paroxysme de frénésie le Sauvage retourna en courant à la maison, le saisit, le fit tournoyer. Les cordes nouées lui mordirent la chair.

« Courtisane ! Courtisane ! » cria-t-il à chacun des coups, comme si ç’avait été Lenina (et avec quelle frénésie, sans le savoir, il désirait que ce le fût !), cette Lenina au corps blanc, tiède, parfumé, qu’il flagellait ainsi. « Courtisane ! » Et alors, d’une voix désespérée : « Oh ! Linda, pardonne-moi ! Pardonne-moi, Dieu ! Je suis vil. Je suis méchant. Je suis… Non, non. – Ah ! toi, courtisane – ah ! toi, courtisane ! »

De sa cachette construite avec soin dans le bois à trois cents mètres de là, Darwin Bonaparte, le plus expert des photographes de fauves de la Compagnie Générale des Films Sentants, avait observé toute la scène. La patience et l’adresse avaient été récompensées. Il avait passé trois jours, assis dans le tronc creux d’un chêne artificiel, trois nuits à ramper sur le ventre à travers la bruyère, à dissimuler des microphones dans des buissons d’ajoncs, à enterrer des fils dans le sable gris et mou. Soixante-douze heures de méconfort profond. Mais à présent l’instant solennel était venu, le plus solennel, Darwin Bonaparte eut le temps d’y réfléchir, tandis qu’il se déplaçait parmi ses instruments, le plus solennel depuis sa prise de vues du fameux Sentant cent pour cent hurlant et stéréoscopique du mariage des gorilles. « Épatant », se dit-il à lui-même, tandis que le Sauvage commençait ses agissements étranges. « Épatant ! » Il maintint ses appareils de prise de vues télescopiques bien centrés sur leur but, collés à leur mouvant objet ; installa une bonnette d’approche plus puissante pour obtenir un gros plan final du visage affolé et distordu (« admirable ! ») ; déclencha, pendant une demi-minute, la prise de vues au ralenti (effet d’un comique exquis, se promit-il) ; écouta, pendant ce temps, au récepteur, les coups, les gémissements, les paroles farouches et démentes qui s’enregistraient sur la bande sonore au bord de son film ; essaya l’effet d’une légère amplification (oui, c’était mieux ainsi, décidément) ; fut ravi d’entendre, dans un silence momentané, le chant perçant d’une alouette ; eût voulu que le Sauvage se retournât, de façon qu’il pût obtenir un bon gros plan final du sang qui lui coulait sur le dos – et presque immédiatement (quelle chance étonnante !) le garçon complaisant se retourna effectivement, et il put prendre un gros plan final parfait.

« Eh bien, ça, c’était formidable ! se dit-il quand tout fut terminé. Réellement formidable ! » Il s’essuya le visage. Après qu’on aurait introduit les effets du « sentant », au studio, ce serait un film merveilleux. Presque aussi bon, songea Darwin Bonaparte, que la Vie Amoureuse du Cachalot, et cela, par Ford, ce n’était pas peu dire !

Douze jours plus tard, le Sauvage de Surrey était projeté, et pouvait se voir, s’entendre, et se sentir dans tous les palaces de Cinéma Sentant de premier ordre de l’Europe Occidentale.

L’effet produit par le film de Darwin Bonaparte fut immédiat et énorme. L’après-midi qui en suivit la présentation au public, la solitude rustique de John fut soudain violée par l’arrivée, dans les airs, de tout un gros essaim d’hélicoptères.

Il bêchait son jardin, il bêchait également son esprit, ramenant laborieusement à la surface la substance de ses pensées. La mort – et il enfonçait une fois sa bêche, puis de nouveau – encore. Et tous nos hiers ont éclairé à des sots le chemin poudreux de la mort. Il grondait à travers ces mots un tonnerre probant. Il souleva encore une pelletée de terre. Pourquoi Linda était-elle morte ? Pourquoi avait-on permis qu’elle devînt graduellement moins qu’humaine, et enfin ?… Il frémit. Une charogne bonne à baiser[46]. Il planta son pied sur sa bêche et l’enfonça farouchement dans le sol dur. Des mouches pour des gamins méchants, voilà ce que nous sommes pour les dieux ; ils nous tuent pour s’amuser[47]. De nouveau, du tonnerre ; des mots qui se proclamaient vrais, plus vrais, en quelque sorte, que la vérité même. Et pourtant, ce même Gloucester les avait appelés des dieux toujours doux. D’ailleurs, le meilleur de ton repos, c’est le sommeil, et tu le provoques souvent de toi-même ; cependant, tu crains violemment la mort qui n’est rien de plus[48]. Rien de plus que le sommeil. Dormir. Rêver, peut-être… Sa bêche buta contre une pierre ; il se baissa pour la ramasser… Car dans ce sommeil de la mort, quels rêves[49]… ?

Un bourdonnement au-dessus de sa tête était devenu un rugissement ; et soudain il fut dans l’ombre, il y eut quelque chose entre le soleil et lui. Il leva les yeux, sursauta en quittant son travail à la bêche, en quittant ses pensées ; il leva les yeux dans un ébahissement ébloui, l’esprit errant encore dans cet autre monde plus vrai que la vérité, encore concentré sur les immensités de la mort et des dieux ; il leva la tête et vit, là-haut et tout près, l’essaim des appareils planant. Ils arrivaient comme des sauterelles, restaient suspendus, immobiles, descendaient tout autour de lui sur la bruyère. Et du ventre de ces sauterelles géantes sortaient des hommes en complet de flanelle blanche à la viscose, des femmes (car il faisait chaud) en pyjamas de shantoung à l’acétate ou en culotte courte de velours de coton et jersey sans manches, à fermeture éclair à demi ouverte, un couple par appareil. Au bout de quelques minutes il y en eut des douzaines, disposés suivant une vaste circonférence tout autour du phare, écarquillant les yeux, riant, déclenchant leurs appareils photographiques, lançant (comme à un singe) des cacahuètes, des paquets de gomme à mâcher à l’hormone sexuelle, des petits-beurre panglandulaires. Et à chaque instant – car, franchissant la crête de Hog’s Back, le flot de la circulation coulait à présent sans arrêt – leur nombre augmentait. Comme dans un cauchemar, les douzaines devenaient des vingtaines, les vingtaines, des centaines.

Le Sauvage avait battu en retraite vers un abri, et à présent, dans la pose d’un animal aux abois, il se tenait le dos au mur du phare, portant son regard d’un visage à l’autre en horreur muette, comme un homme dément.

Il fut réveillé de cette stupeur à une conscience plus immédiate de la réalité par le choc contre sa joue d’un paquet de gomme à mâcher lancé avec précision. Un sursaut de douleur et de surprise, et il se trouva réveillé en plein, réveillé et pris d’une colère farouche.

— Allez-vous-en ! hurla-t-il.

Le singe avait parlé ; il y eut une explosion de rires et de battements de mains. « Ce bon vieux Sauvage ! À la bonne heure, donc ! » Et parmi la confusion des voix il entendit des cris de : « Fouet, fouet, le fouet ! »

Obéissant à ce que suggérait ce mot, il saisit à son clou derrière la porte la touffe de cordes nouées, et la brandit avec colère devant ses tortionnaires.

Il y eut un hurlement d’applaudissements ironiques.

Il marcha sur eux d’un air menaçant. Une femme poussa un cri d’effroi. La ligne fléchit en son point le plus immédiatement exposé, puis se redressa, se maintint ferme. La conscience d’être en force écrasante donnait à ces curieux un courage auquel le Sauvage ne s’était pas attendu de leur part. Surpris, il s’arrêta et jeta un regard à la ronde.

— Pourquoi ne voulez-vous donc pas me laisser en paix ? Il y avait une note presque plaintive à sa colère.

— Prenez quelques amandes salées au magnésium ! dit l’homme qui, si le Sauvage venait à s’avancer, serait le premier attaqué. Il tendit un paquet. – Elles sont réellement très bonnes, je vous assure, ajouta-t-il, avec un sourire propitiatoire un peu nerveux, et les sels de magnésium contribueront à vous maintenir jeune.

Le Sauvage traita son offre par le mépris.

— Que me voulez-vous ? demanda-t-il, se tournant de l’un à l’autre des visages ricanants. – Que me voulez-vous ?

— Le fouet ! répondirent confusément cent voix. Faites-nous le coup du fouet ! Faites-nous voir le coup du fouet !

Puis à l’unisson, et sur un rythme lent et lourd :

— Nous-vou-lons-le-fouet ! cria un groupe à l’extrémité de la ligne, nous-vou-lons-le-fouet !

D’autres reprirent aussitôt le cri, et la phrase fut répétée, à la manière des perroquets, maintes et maintes fois, avec un volume de son sans cesse croissant, si bien qu’à partir de la septième ou huitième répétition nul autre mot ne fut plus prononcé. « Nous-vou-lons-le-fouet ! »

Ils criaient tous ensemble ; et, grisés par le bruit, par l’unanimité, par le sens de la communion rythmique, ils auraient pu, semblait-il, continuer pendant des heures, – presque indéfiniment. Mais vers la vingt-cinquième répétition, la manœuvre fut soudain interrompue. Un hélicoptère de plus était arrivé d’au-delà de la crête de Hog’s Back, resta suspendu au-dessus de la foule, puis se posa à quelques mètres de l’endroit où se tenait le Sauvage, dans l’espace libre entre la ligne des curieux et le phare. Le fracas des hélices couvrit momentanément les cris ; puis, tandis que l’appareil touchait le sol et que les moteurs s’arrêtaient, ils reprirent : « Nous-vou-lons-le-fouet ; nous-vou-lons-le-fouet ! » du même ton fort, insistant, monotone.

La porte de l’hélicoptère s’ouvrit, et il en sortit d’abord un jeune homme blond à la figure rouge, puis, vêtue d’une culotte courte en velours de coton vert, d’une chemise blanche, et coiffée d’une casquette de jockey, une jeune femme.

À la vue de la jeune femme, le Sauvage tressaillit, recula, pâlit.

La jeune femme resta debout, souriant vers lui, d’un sourire incertain, implorant, tout chargé d’humilité, eût-on dit. Les secondes se passèrent. Ses lèvres remuèrent – elle disait quelque chose ; mais le bruit de sa voix était couvert par le refrain réitéré et vigoureux des curieux.

« Nous-vou-lons-le-fouet ! Nous-vou-lons-le-fouet ! »

La jeune femme appuya les deux mains contre son flanc gauche, et sur son visage luisant comme une pêche, joli comme celui d’une poupée, apparut une expression étrangement incongrue de détresse chargée d’ardent désir. Ses yeux bleus semblèrent s’agrandir, devenir plus brillants ; et soudain deux larmes lui roulèrent le long des joues. Sans qu’on pût l’entendre, elle parla de nouveau ; puis, d’un geste vif et passionné, elle tendit les bras vers le Sauvage, elle s’avança.

« Nous-vou-lons-le-fouet ! Nous-vou-lons…» Et tout à coup ils eurent ce qu’ils voulaient.

— Courtisane ! – Le Sauvage s’était précipité sur elle comme un fou. – Fouine ! – Comme un fou, il s’était mis à la cingler de son fouet de cordes minces.

Terrifiée, elle avait fait demi-tour pour s’enfuir, avait trébuché, et était tombée parmi les bruyères.

— Henry ! Henry ! cria-t-elle.

Mais son compagnon à la figure rouge s’était sauvé à l’abri du danger derrière l’hélicoptère.

Avec un hurlement de surexcitation ravie, la ligne se rompit. Il y eut une ruée convergente vers ce centre d’attraction magnétique. La douleur était une horreur qui les fascinait.

— Chauffe, luxure, chauffe[50] ! Avec frénésie, le Sauvage la cingla de nouveau.

Avidement ils se rassemblèrent alentour, poussant et se pressant comme des porcs autour de l’auge.

— Oh ! La chair ! – Le Sauvage grinça des dents.

Cette fois, c’est sur ses propres épaules que s’abattit le fouet. – À mort ! À mort !

Attirés par la fascination de l’horreur de la douleur, et intérieurement, poussés par cette habitude de l’action commune, ce désir d’unanimité et de communion, que leur conditionnement avait si indélébilement implantés en eux, ils se mirent à mimer la frénésie de ses gestes, se frappant les uns les autres tandis que le Sauvage frappait sa propre chair rebelle, ou cette incarnation potelée de la turpitude qui se tordait dans la bruyère à ses pieds.

— À mort, à mort, à mort !… continuait à crier le Sauvage.

Puis, soudain, quelqu’un commença à chanter : « Orginet-Porginet ! » et en un instant ils eurent tous repris le refrain, et, chantant, se mirent à danser. Orginet-Porginet, tournant, tournant, et tournant en rond, se frappant l’un l’autre en mesure à six-huit. Orginet-Porginet

Il était plus de minuit lorsque le dernier des hélicoptères prit son vol. Stupéfié de soma, et épuisé par une frénésie prolongée de sensualité, le Sauvage était étendu, endormi, sur la bruyère. Le soleil était déjà haut dans le ciel quand il se réveilla. Il resta étendu un moment, les yeux clignotants à la lumière dans une incompréhension de hibou ; puis tout à coup il se souvint… de tout.

« Oh ! mon Dieu, mon Dieu ! » Il se couvrit le visage de ses mains.

Ce soir-là, le vol d’hélicoptères qui arrivèrent en bourdonnant par-dessus la crête de Hog’s Back était un nuage sombre de dix kilomètres de long. La description de l’orgie de communion de la nuit dernière avait paru dans tous les journaux.

— Sauvage ! appelèrent les premiers arrivants, tandis qu’ils descendaient de leurs appareils. – Monsieur le Sauvage !

Il n’y eut pas de réponse.

La porte du phare était entrouverte. Ils la poussèrent et entrèrent dans un crépuscule de volets clos.

Par une arche à l’autre bout de la pièce ils apercevaient le pied de l’escalier qui montait aux étages supérieurs. Juste sous la clef de voûte pendaient deux pieds.

— Monsieur le Sauvage !

Lentement, très lentement, comme deux aiguilles de boussole que rien ne presse, les pieds se tournèrent vers la droite ; nord, nord-est, est, sud-est, sud, sud-sud-ouest ; puis ils s’arrêtèrent, et, au bout de quelques secondes, revinrent avec aussi peu de hâte vers la gauche. Sud-sud-ouest, sud, est…

Fin



[1]How many goodly créatures are there here !
How beauteous mankind is ! O brave New World !
That has such people in’t !

(Tempest, V, 1.)

[2]La philosophie éternelle (Traduction française de Jules Castier, Plon, 1 vol., 1948. (Note du Tr.)

[3]Cette expression métaphorique est courante en anglais pour désigner des individus qui ne sont pas à leur place ; nous l’avons gardée en raison de son pittoresque. (Note du Tr.)

[4]Le texte anglais est une parodie audacieuse d’un vers célèbre de Browning : nous nous sommes efforcés d’y produire le même effet de surprise. (Note du Tr.)

[5]La grosse cloche de la tour du Parlement de Westminster (et, par extension, la tour elle-même) s’appelle « Big Ben ». (Note du Traducteur.)

[6]Out, damned spot

(Macbeth, V, 1.)

[7]The multitudinous seas incamadine.

(Macbeth, II, 2.)

[8]Mislike me not for my complexion.

(Merch. of Venice, II, 1.)

[9]Le texte anglais, que nous avons tenté de rendre fidèlement avec sa signification et un rythme comparable, est une parodie d’une « Nursery Rhyme », c’est-à-dire d’une petite poésie enfantine, familière à tous les enfants anglais. (Note du Traducteur.)

[10]Les Indiens Zuñi se divisent en plusieurs sectes ou Kivas, dont chacune prend le nom d’un animal protecteur, et possède un lieu de réunion constitué par une chambre souterraine, appelée également Kiva. (Note du Traducteur.)

[11]Nay, but to live
In the rank sweat of an enseamed bed,
Stew’d in corruption, honeying and making love
Over the nasty sty.

(Hamlet, III, 4.)

[12]When he is drunk asleep, or in his rage
Or in the incestuous pleasure of his bed…

(Hamlet, II, 3)

[13]To-morrow, and to-morrow, and to-morrow,
Creeps in this petty pace from day to day
To the last syllable of recorded time.

(Macbeth, V, 5.)

[14]O wonder !
How many goodly creatures are there here !
How beauteous mankind is ! O brave new world,
That has such people in’t !

(Tempest, V, 1.)

[15]Cf. note précédente.

[16]Cf. note précédente.

[17]Troilus, I, 1.

[18]Romeo and Juliet, III, 3.

[19]If I profane with my unworthiest hand
This holy shrine.

(Romeo and Juliet, I, 5.)

[20]Antony and Cleopatra, I, 3.

[21]I’ll put a girdle round about the earth
In forty minutes.

(Midsummer Night’s Dream, II, 1.)

[22]Eton (près de Windsor) est actuellement le siège d’une « public school » – école secondaire – tout à fait aristocratique, pour garçons. (Note du Traducteur.)

[23]Romeo and Juliet, I, 5.

[24]The Phoenix and the Turtle.

[25]Admir’d Miranda !
Indeed, the top of admiration ; worth
What’s dearest in the world…
You, o you
So perfect and so peerless, are created
Of every creature’s best.

(Tempest, III, 1.)

[26]There be some sports are painful, and their baseness
Delight in them sets off.

(Tempest, II, 1.)

[27]… some kinds of labour
Are nobly undergone.

(Tempest, III, 1.)

[28]Outliving beauty’s outward, with a mind
That doth renew swifter than blood decays.

(Troilus and Cressida, III, 2.)

[29]If thou dost break her virgin knot before
All sanctimonious ceremonies may
With full and holy rite…

(Tempest, IV, 1.)

[30]The murkiest den,
The most opportune place, the strongs’t suggestion
Our worser genius can, shall never melt
Mine honour into lust.

(Tempest, IV, 1.)

[31]For those milk paps that through the window bars
Bore at men’s eyes.

(Timon of Athens, IV, 3.)

[32]The strongest oaths are straw
To the fire in the blood : be more abstemious,
Or else good-night your now.

(Tempest, IV, 1.)

[33]Impudent strumpet !

(Othello, IV, 2.)

[34]King Lear, IV, 6.

[35]King Lear, IV, 6.

[36]Othello, IV, 2.

[37]… The devil Luxury, with his fat rump and potatofinger…

(Troilus and Cressida, V, 2.)

[38]Friends, Romans, countrymen, lend me your ears.

(Julius Caesar, III, 1.)

[39]Sometimes a thousand twangling instruments
Will hum about my ears, and sometimes voices.

(Tempest, III, 2.)

[40]Life is a tale
Told by an idiot, full sound and fury,
Signifying nothing.

(Macbeth, V, 9.)

[41]King John, III, 1.

[42]There are more things in heaven and earth, Horatio,
Than are dreamt of in your philosophy.

(Hamlet, I, 5.)

[43]But value dwells not in particular will.
It holds his estimate and dignity
As well wherein ’t is precious in itself
As in the prizer.

(Troilus, II, 2.)

[44]Whether ’t is worthier in the mind to suffer
The slings and arrows of outrageons fortune,
Or to take arms against a sea of troubles,
And by opposing end them.

(Hamlet, III, 1)

[45]Exposing what is mortal and unsure
To all that fortune, death and danger dare,
Even for an eggshell.

(Hamlet, IV, 4.)

[46]A good kissing carrion.

(Hamlet, II, 2.)

[47]As flies to wanton boys are we to the gods ;
They kill us for their sport.

(Lear, IV, 1.)

[48]Thy best of rest is sleep.
And that thou oft provok’st ; yet grossly fear’st
Thy death which is no more.

(Measure for Measure, III, 1.)

[49]Hamlet, III, 1.

[50]Fry, lechery, fry !

(Troilus and Cressida, V, 2.)

Le Meilleur des Mondes
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